Westinghouse Studio One « Dominique » – 1955

Mon tout premier show en live à la télévision ! J’étais très nerveuse mais j’ai eu la chance de tomber sur des gens absolument délicieux !

Marisa Pavan Aumont

Introduction

Le show télévisé en live « Dominique » est un épisode de genre dramatique présenté par la série Studio One et sponsorisé par la compagnie américaine The Westinghouse Electric Corporation. 28ème épisode de la saison 7, il a été réalisé par Franklin Schaffner et diffusé sur les écrans américains le lundi 28 mars 1955 dans la soirée, sur la chaîne CBS (Columbia Broadcasting System). Cependant, « Dominique » est bien plus qu’un simple épisode télévisé dramatique. Il s’agit avant tout d’une magnifique histoire d’amour entre deux êtres et deux cultures (italienne et américaine) et brillamment interprétée par Ralph Meeker dans le rôle de l’Américain Steve Windom et par notre charmante Marisa dans le rôle-titre de Dominique Francesca Della Fiore Windom, la femme de Steve tout juste arrivée aux États-Unis. En plus de nous faire prendre du recul sur ce que peuvent ressentir les immigrants lorsqu’ils font face à un choc des cultures, cet épisode fait l’objet d’un scénario, d’une mise en scène et d’un accompagnement musical des plus magiques depuis les débuts de la télévision aux États-Unis.

À propos de la série…

Originellement intitulée Studio One, la série Westinghouse Studio One a cependant connu plusieurs variantes de noms tout au long de ses dix années de diffusion à la télévision. Ainsi, les titres Westinghouse Studio OneWestinghouse Summer Theatre, Summer Theatre, Studio One Summer Theatre et Studio One in Hollywood(après 1955) désignent tous la même et unique série. Créée en 1947 par le réalisateur canadien Fletcher Markle, elle est l’une des premières séries américaines à comprendre des épisodes hebdomadaires plus ou moins dramatiques qui étaient ensuite diffusés en live et à heures régulières à la télévision entre 1948 et 1958. (Une durée record pour l’époque selon de nombreux critiques !) Les débuts de cette série ont été effectués à la radio mais ont rapidement conquis le monde de la télévision et de l’enregistrement « live » notamment grâce au producteur américain Worthington Miner, en programmant des épisodes d’une durée de 60 minutes tous les dimanches soir (de novembre 1948 à mai 1949), les mercredis soir (de mai 1949 à septembre 1949) pour finalement opter pour les lundis soir (de septembre 1949 à septembre 1958). Tous les épisodes étaient diffusés en live sur la chaîne de télévision CBS (Columbia Broadcasting System) et en plus d’être l’une des premières longues séries dramatiques à la télévision, cette série produisait des scénarios très différents chaque semaine et des mises en scène particulièrement portées sur le visuel, quelque chose qui, à notre époque actuelle, pourrait être considéré comme « trop risqué » et « hors-sujet » pour comprendre et suivre une série selon l’opinion de Jason Jacobs du « Museum of Broadcast Communication » à Chicago, Illinois (source: EmmyTVLegends.org). En résumé, chaque épisode en lui-même constitue un véritable film plutôt qu’un simple « rouage » appartenant au mécanisme gigantesque de la série. De nombreux producteurs importants se sont succédé dans cette série comme Herbert Brodkin, Worthington Miner, Fletcher Markle, Felix Jackson, Norman Felton, Gordon Duff, William Brown, Paul Nickell, Franklin Schaffner ou encore Charles H. Schultz. Dans le cas de « Dominique », le producteur Felix Jackson a travaillé avec Franklin Schaffner comme metteur en scène. Il est intéressant de relever que Marisa aura l’occasion de travailler avec certains d’entre eux comme Fletcher Markle, juste après « Dominique » dans « Meeting at Mayerling » de la série Front Row Center, mais également deux fois avec Paul Nickell dans les épisodes « Climax! » de la série Keep Me in Mind en 1957 et « Requiem for a Sunday Afternoon » de la série Naked Cityen 1961. Cette série à succès comprend en tout 10 saisons et 466 épisodes. Dans chaque épisode, l’actrice et journaliste américaine Betty Furness (de son vrai nom Elizabeth Mary Furness) est la porte-parole de la compagnie Westinghouse Electric Corporation pour laquelle elle fait la publicité (parfois un peu utopique) d’un objet ménager de la marque Westinghouse qui vient d’être inventé et mis en vente à l’époque. Son discours est très souvent ponctué d’humour et ses interventions font l’objet de deux ou trois spots publicitaires d’environ deux minutes lors de l’épisode. « Dominique » se termine sur une dernière intervention de Betty Furness précédant une courte annonce (qui pourrait être considérée comme une bande-annonce !) de l’épisode « Cross My Heart » qui sera diffusé le lundi suivant, le 4 avril 1955.

À propos de Franklin Schaffner…

Né en 1920 à Tokyo (Japon) et décédé en 1989 à Santa Monica (Californie, États-Unis), Franklin Schaffner était « l’un des réalisateurs américains les plus réputés et les plus en demande lors des débuts de la télévision par sa capacité à effectuer des travellings, des gros plans et des mouvements de caméra intéressants, tandis que d’autres réalisateurs se contentaient de filmer les shows en live avec un plan-séquence plutôt fixe », selon le célèbre site Internet Movie Database. De nos jours, Schaffner est mieux connu pour son film The Planet of the Apes, qu’il a réalisé en 1968 et qui est considéré comme un classique et l’un des meilleurs films de la fin des années 1960. Avec une quinzaine de films à son actif et plusieurs travaux dans la télévision, il a également gagné l’Oscar du meilleur réalisateur en 1971 pour son film Patton qui, à lui seul, a remporté 7 Oscars ! Schaffner a également été le conseiller télévisuel de John F. Kennedy, 35ème Président des États-Unis. Il n’est pas surprenant de constater qu’ensuite, il a réalisé le film The Best Man em 1964 ayant pour thème le monde de la politique et des élections américaines ! Marisa travaillera de nouveau avec Schaffner à peine un an après « Dominique » pour tourner « Antigone », un autre show en live produit par la série The Kaiser Aluminum Hour en 1956 et basé sur la célèbre adaptation théâtrale du mythe grec d’Antigone par le dramaturge français Jean Anouilh.

Marisa ou Dominique Francesca Della Fiore Windom ?

Âgée de 22 ans lors de l’enregistrement de l’épisode, Marisa interprète bien évidemment Dominique, la jeune et adorable Italienne de 18 ans récemment mariée avec Steve Windom. Elle quitte son village natal de Montefioralle pour s’installer dans l’État du Vermont, aux États-Unis, avec son mari qu’elle a rencontré et épousé lorsqu’il était en voyage professionnel en Italie. En plus de jouer un personnage principal, Marisa détient même le rôle-titre de l’épisode alors qu’à l’époque du tournage, en 1955, elle n’était encore qu’une toute jeune actrice de cinéma sans expérience, faisant ses débuts à la télévision. N’oublions pas de mentionner que Marisa est bien sûr italienne de naissance et que son rôle de Dominique fait écho à ce qu’elle a réellement vécu lors de son arrivée aux États-Unis, c’est-à-dire qu’elle était une étrangère en Amérique, qu’elle ne comprenait et ne parlait pas bien l’anglais, voire pas du tout dès son arrivée, et qu’elle n’avait absolument pas envie de quitter son pays pour une autre culture bien différente de la sienne. Tout comme le merveilleux dénouement de l’histoire (que vous pourrez lire plus bas), Marisa finira par s’habituer à l’Amérique et à aimer vivre à l’américaine, encadrée par de nombreux amis et toujours poussée à faire de nouvelles rencontres.

« Dominique » : un scénario et une mise en scène à l’image des évènements vécus par Marisa à son arrivée aux États-Unis !

Huis clos tourné en noir et blanc dans une ambiance de contraste drame-comédie, l’épisode « Dominique » utilise dans sa réalisation une échelle de plans et d’angles de prise de vue très variée pour accentuer au mieux chaque action et les émotions des personnages qui s’y rattachent. Ainsi, Schaffner passe très souvent de gros plans à plans moyens sur les deux personnages principaux pour ensuite finir sur des plans plus ou moins larges pour que le spectateur découvre les lieux de l’action après avoir fait connaissance avec les personnages, toujours en déplaçant la caméra et en effectuant des travellings sans coupure. Plongeons maintenant dans l’atmosphère italo-américaine du scénario à la fois romantique, comique et dramatique de « Dominique » qui a été écrit par Ernest Kinoy pour Westinghouse Studio One et inspiré d’une idée de Daniel Hollywood (qui sera également l’auteur original du scénario de l’épisode « Requiem for a Sunday Afternoon » de la série Naked City et dans lequel Marisa jouera en 1961 !) L’épisode est divisé en deux parties bien distinctes, chacune étant séparée par un spot publicitaire animé par Betty Furness, actrice américaine et porte-parole des produits Westinghouse, pour la promotion d’objets électroménagers nouvellement créés dans les années 1950, décennie durant laquelle les États-Unis prônaient la libération et la modernisation du travail de la femme au foyer. Après l’apparition du titre de la série accompagné d’une ravissante musique dramatique au générique d’ouverture, l’épisode démarre sur une succession de plans représentant tous les stéréotypes techniques du rêve américain : la nation, la marine américaine et son équipement à la pointe de l’industrie technologique, le parfait foyer américain et la vie que toute personne rêverait d’avoir. En résumé, une propagande très utopique of the « American dream » ! Tous ces plans sont décrits et commentés en voix-off par John Cannon, narrateur de la série, avant de se conclure sur le fameux slogan : « You can be SURE if it’s Westinghouse ! » (Tu peux en être SÛR si c’est Westinghouse !) qui reviendra lors de chaque publicité pour les produits électroménagers de la marque Westinghouse. La première partie du show démarre par des gros plans sur les têtes des enfants du voisinage, aux expressions faciales assez disgracieuses et au tempérament de feu, qui se mettent soudainement à faire semblant de tirer sur une belle statue trônant devant le porche de la maison où toute l’action va se dérouler. Nous découvrons ensuite Steve Windom, l’un des deux personnages principaux alors qu’un policier est en train de lui demander d’où peut bien venir cette mystérieuse statue. Steve est interprété par Ralph Meeker qui offre une prestation dramatique plus qu’intéressante dans ce show. Nous apprenons par la suite que la fameuse statue est en fait un cadeau de mariage que Steve a reçu de sa femme, qu’il a rencontré lorsqu’il était en déplacement professionnel en Italie. Avant de parler de cette femme italienne qui donne son nom à l’épisode, il est important de constater qu’elle est déjà très présente dès les premières minutes du show car tout le monde ne parle que d’elle ! Nous voyons Steve et ses amis d’enfance, Jake (joué par Norman Fell) et Barbara (jouée par Phyllis Hill) en train de ranger les nombreux cartons de déménagement en provenance d’Italie et qui contiennent toutes les affaires personnelles de la femme de Steve. Cette partie fait preuve de beaucoup d’humour quant à l’aspect vieillot et antique de ces objets ! Mais qui est donc cette femme au goût prononcé à ce point pour les choses antiques ? Se rend-elle compte de l’absurdité de leur style et de leur non-cohérence avec le mode de vie des banlieues américaines en 1955 ? Cette première partie met l’emphase sur la merveilleuse et intense histoire d’amour qui est née entre Steve et sa femme alors qu’ils n’étaient encore qu’en Italie et c’est alors que vient l’une des plus belles transitions entre deux plans à la télévision que j’aie vues jusqu’ici ! Une transition parfaitement bien amorcée alors que Steve parle de cette jeune Italienne d’à peine 18 ans qui se conduit à la fois comme un enfant qui regarde le monde des adultes depuis son petit coin tranquille et à la fois comme une vraie femme, une femme qu’il aime et dont il est fou amoureux. Le gros plan sur Steve se transforme en gros plan sur le visage doux et gracieux de Dominique, accompagné de la merveilleuse mélodie italienne O mio babbino caro. Dominique nous fait tout de suite comprendre qu’elle est fière de ses origines en déclinant son nom complet au douanier : Dominique Francesca Della Fiore. Ainsi, nous faisons la connaissance de cette jolie jeune femme italienne qui vient tout juste de débarquer d’Italie pour s’installer dans une banlieue américaine avec l’homme de sa vie, Steve. Tout au long de cette partie, la musique O mio babbino caro, en français « Oh mon papa chéri » se fait entendre à chaque mot d’amour prononcé, à chaque geste attentionné et à chaque regard insistant de nos deux tourtereaux à l’écran. Un célèbre air d’opéra italien (pour rester dans le contexte de l’histoire) qui est extrait de l’œuvre Gianni Schicchi composée en 1918 par Giacomo Puccini. Cette œuvre a été rendue populaire notamment grâce à la chanteuse d’opéra d’origine grecque, Maria Callas. Dominique et Steve se livrent ainsi à de nombreux échanges affectifs, des baisers tendres et passionnés et des yeux remplis d’amour tout au long de cette première partie ! Dominique organise elle-même un retour en arrière lors de son coup de foudre avec Steve en Italie alors qu’elle se tient près de sa statue, sous la pluie battante, admirant Steve de ses beaux yeux. C’est de cette façon qu’ils sont tombés amoureux et Steve n’en est pas moins surpris lorsqu’après un court instant d’inattention, il retrouve Dominique ainsi. Dans cette scène, l’éclairage est également contrasté et les jeux d’ombres et de lumières sur les personnages reflètent non seulement leurs différences de caractères et de cultures mais ils mettent également l’accent sur leur amour et leur amitié lorsque, par exemple, Dominique tente de recréer la scène de son coup de foudre, seuls son visage et celui de Steve sont éclairés alors que leurs corps restent dans la pénombre.

Clip n°1 – Dominique et Steve

Dans cette séquence très romantique, Dominique tente de reproduire la scène de son coup de foudre en Italie avec Steve.

En écoutant attentivement les dialogues, nous apprenons que Dominique est originaire de Montefiorello, un petit village dans la commune de Vallo di Nera, dans la province de Pérouse, se trouvant elle-même dans la région de Ombrie, en Italie. Il est intéressant de voir que ce fait, aussi hasardeux qu’il n’y paraisse, est aussi l’élément déclencheur du choc des cultures entre Dominique et Steve mais aussi (et ne l’oublions pas) entre Marisa elle-même et l’Amérique qu’elle venait à peine de découvrir à l’époque de ce tournage ! Dans la deuxième partie, nous nous rendons compte que Steve fait de moins en moins attention à sa femme. Lorsque celle-ci, déjà mal-à-l’aise et angoissée de se trouver dans un nouveau pays, surprend son mari dans les bras de son amie d’enfance Barbara pour un soi-disant « jeu amical », elle réagit avec violence et désespoir. Pour elle et selon sa culture, un homme ne peut pas prendre une autre femme que la sienne dans ses bras simplement pour « jouer ». Après les avoir surpris, elle se rend à la cuisine où elle tente une explication de la situation avec Barbara, en vain. En voulant convaincre Barbara de lui avouer ses sentiments amoureux envers Steve, elle finit par s’attiser la haine de celle-ci, qui commence à avoir de moins en moins d’estime pour elle.

Clip n°2 – Dominique et Barbara

Dans cette scène, Dominique confronte Barbara en lui ouvrant les yeux sur ses sentiments envers Steve.

Persuadée que son mari la trompe avec Barbara et agacée de devoir supporter cette femme plus âgée qu’elle dans sa propre demeure, Dominique préfère faire ses valises et rentrer en Italie. Les provocations des voisins du couple comme Sam Bleeker (interprété par Peter Turgeon) n’arrangent pas le problème non plus. Il n’y a peut-être que Mrs. MacGruder (interprétée par Betty Sinclair) qui se considère comme leur amie et leur « Good Cheer Lady » pour aider Dominique à s’intégrer. Ce n’est qu’au moment du départ que Steve se rendra compte de la situation et de la peine qu’il fait à sa femme. Il se déploie alors corps et âme à la reconquérir, ce qui finira par arriver… ! Steve décide alors de la rencontrer au bureau des douanes américaines mais malgré son beau et larmoyant discours, Dominique ne se laisse pas encore impressionner et le quitte sur un « addio » italien assez émotionnel.

Clip n°3 – Dominique et Steve

Dans cette scène ayant lieu au bureau des douanes américaines, Steve donne rendez-vous à Dominique avant son départ pour l’Italie afin de la convaincre de remplir un affidavit qui lui permettrait de rester aux États-Unis et de vivre avec lui. Dominique, profondément blessée par l’attitude de Steve et de son amie Barbara, ne sait plus quoi lui dire…

Après mûre réflexion, Barbara finit par admettre que Dominique avait raison depuis le début et qu’elle éprouve de réels sentiments amoureux envers Steve, dont elle est secrètement amoureuse depuis l’âge de 15 ans. Après un dernier baiser, Barbara le quitte et le couple Dominique-Steve se ressoudera une nouvelle fois sur cette merveilleuse mélodie italienne et leur amour durera pour toujours.

Opinion personnelle

En me penchant sur mes ressentis personnels par rapport au rôle de Marisa dans « Dominique » et à ma passion (qui est presque une obsession !) pour le cinéma et la télévision aux États-Unis dans les années 1950, c’est avec enthousiasme que je vous recommande cet épisode ! Vous trouverez trois extraits vidéo qui accompagnent cette critique mais n’hésitez pas à me contacter si vous aimeriez visionner l’épisode en entier. Je vous le recommande pour diverses raisons. Premièrement, il met en valeur Marisa et son personnage de Dominique tout au long de l’histoire en l’exposant à des thèmes comme l’amour, la peur, le choc des cultures entre les modes de vie italien et américain, l’appréhension, le rejet, la jalousie mais aussi… l’humour ! Ces différents thèmes sont tous présentés selon le point de vue interne du personnage de Dominique et Marisa nous livre une très belle performance dramatique ponctuée par quelques répliques comiques. Ensuite, il est d’autant plus intéressant de rappeler que l’épisode « Dominique » était la première expérience de télévision en live pour Marisa qui était très stressée et nerveuse. Cette nervosité se fait parfois sentir lorsque sa voix tremble légèrement mais son talent d’actrice était déjà inné en 1955 et elle nous fait partager sa joie de jouer la comédie à travers son sourire constant et son regard vif et pétillant à l’écran. Ainsi, elle fait parvenir les émotions de son personnage aux téléspectateurs notamment par la façon dont elle pose son regard à la caméra, par exemple lors de sa première apparition dans l’histoire, mais également par la façon dont elle contemple chacun des personnages et plus particulièrement Steve (Ralph Meeker). Son regard devient celui d’une femme amoureuse lorsqu’elle est avec Steve et se transforme en regard haineux et jaloux lorsqu’il croise celui de Barbara (Phyllis Hill). La façon de jouer de Marisa dans cet épisode est ainsi portée sur les émotions, mêlées au léger stress qu’elle devait ressentir. Et puis cette merveilleuse musique italienne, O mio babbino caro, un pur bonheur pour les oreilles…! Le scénario est remarquablement bien écrit par Ernest Kinoy qui le rend attrayant et dramatique tout autant que comique. Nous n’éprouvons pas d’ennui ni d’exaspération lors du visionnage car chaque scène est relativement courte et efficace, tout en étant ponctuée de notes musicales appropriées mettant l’accent sur l’action de la scène, que ce soit un acte d’amour ou une crise de colère. Les acteurs Ralph Meeker, John McGiver, Norman Fell, Phyllis Hill, Betty Sinclair et Peter Turgeon interprètent leur rôle dans la plus grande sincérité et cherchent avant tout à susciter des émotions chez le téléspectateur tandis que les interventions de Betty Furness durant les spots publicitaires témoignent du mode de vie des Américains, de leur état d’esprit et de leur utopique « American dream » à la veille de la Guerre Froide avec l’URSS. Tous ces grands acteurs au talent tragique et comique sont mis en avant par le génie de Franklin Schaffner et son goût pour le visuel. Cependant, il peut également être fascinant de se demander pourquoi Schaffner bouge parfois la caméra avant de l’arrêter sur ce qui paraîtrait être, à première vue, un gros plan plus ou moins inutile… Je terminerai ce paragraphe en mentionnant la sensibilité artistique dont ce scénario fait preuve également. En visionnant « Dominique », nous en apprenons sur la culture italienne, l’art des objets antiques et nous prenons du recul quant à la culture américaine et les ressentis des immigrants face à cette culture.

Quelques mots de Ralph Schiller sur « Dominique »

Admirateur de Marisa et de sa sœur jumelle, l’actrice Anna Maria Pierangeli « Pier Angeli » depuis plusieurs années, Ralph Schiller, l’auteur du livre The Complete Films of Broderick Crawford (publié en février 2016) m’a gentiment fait part de ses ressentis et de son opinion en tant qu’auteur et passionné de l’âge d’or hollywoodien concernant l’épisode « Dominique » et le rôle de Marisa. Voici ces commentaires: « Production à budget modeste, « Dominique » relève d’une histoire d’amour des plus enchanteresses et qui persiste dans sa magie même après six décennies. Ralph Meeker, dont la carrière cinématographique se résume principalement à des rôles plutôt crus dans des drames policiers et des films d’action, joue contre toute attente le rôle de Steve, un Américain au tempérament simple et décontracté et nous donne ainsi une brillante interprétation. Voyageant en Italie pour un projet professionnel dans la construction, il tombe éperdument amoureux d’une élégante Italienne aux yeux de biche et au cœur généreux, interprétée à la perfection par Marisa Pavan qui semblait être née pour ce rôle. Dominique aime Steve de tout son cœur malgré le choc des cultures vécu par cette Italienne qui se retrouve transplantée de la ville éternelle de Rome à une banlieue américaine grouillant de petits garnements aux visages monstrueux vivant dans le voisinage, ce qui en est trop pour ce couple fragile et nouvellement formé. Au fil du temps, Dominique en veut beaucoup à Barbara, amie d’enfance de Steve et très justement interprétée par Phyllis Hill qui, de par son air béat et indifférent, rôde toujours dans le coin à cause de son amour pour Steve. Celui-ci se rend compte de la situation et du mal-être de Dominique juste avant que celle-ci ne retourne en Italie et le couple se ressoude, poursuivant ainsi une vie merveilleuse ensemble. Le show est régulièrement ponctué par le talent comique des acteurs Norman Fell, qui se glisse dans la peau du meilleur pote de Steve (20 ans avant son apparition dans la série comique Three’s Company) et du grand John McGiver, jouant le rôle d’un douanier assez importun qui tente de cacher son cœur en or. Ernest Kinoy a écrit le scénario croustillant du show et il a été réalisé par le futur grand réalisateur de cinéma Franklin Schaffner, maître des classiques The Planet of the Apes en 1968 avec Charlton Heston, Pattonen 1970 avec George C. Scott, Nicholas and Alexandra en 1971 et Papillon en 1973 avec Steve McQueen ! Studio One a été produit à New York avec la célèbre starlette des studios RKO Betty Furness, qui se chargeait de faire du placement de produit pour Westinghouse dans les spots publicitaires en live. » (Commentaire traduit de l’américain par Margaux Soumoy)

Anecdotes et souvenirs de Marisa

Tout d’abord, je tiens à remercier Marisa du fond du cœur de m’avoir permis de découvrir « Dominique » dont je n’avais encore jamais entendu parler. C’est grâce à sa gentillesse et sa générosité que j’ai pu visionner cet épisode qu’elle avait fait graver sur DVD et nous avons ainsi partagé un moment très convivial en le regardant directement chez elle, assises toutes les deux dans le canapé de sa belle demeure de Gassin. En discutant avec Marisa, j’ai remarqué qu’elle se montrait toujours enthousiaste dans ses propos en ce qui concerne le tournage de cet épisode qui était son « tout premier show en live ». « J’étais très nerveuse, me raconte Marisa, mais j’ai eu la chance de tomber sur des gens absolument délicieux ! » En effet, que ce soit les acteurs, le réalisateur ou les membres de l’équipe technique, tous ont très gentiment aidé Marisa à se détendre et à se mettre à l’aise pour cette expérience. « J’étais encore jeune et je n’avais jamais fait de show en live pour la télévision ! Je ne savais pas ce que je devais faire… » rit Marisa. Elle se souvient tout particulièrement de la douceur et de la gentillesse de son partenaire à l’écran, Ralph Meeker, qu’elle avait déjà eu l’occasion de rencontrer lorsque sa sœur Anna Maria tournait son premier film américain, Teresa (Fred Zinnemann, 1951) et dans lequel Meeker tenait le rôle du sergent Dobbs, un soldat américain en Italie lors de la Seconde Guerre mondiale. Les scénarios de « Dominique » et Teresa se ressemblent aussi du fait qu’ils traitent tous deux de jeunes filles italiennes qui immigrent aux États-Unis. La vraie histoire de Marisa et de sa sœur jumelle Anna !

Ralph Meeker dans Teresa (Fred Zinnemann, 1951)